Bâtiment : vers la gratuité de la reprise des déchets pour les professionnels
Le gouvernement souhaite rendre gratuite pour les artisans et professionnels du bâtiment la reprise de leurs déchets de chantier et a lancé un groupe de travail en ce sens, qui suscite des interrogations chez les acteurs du secteur.
Plus de 42 millions de tonnes de déchets sont générés chaque année en France par les professionnels du bâtiment, soit plus que ceux produits par les ménages, et entre 40 et 50% sont actuellement valorisées via le recyclage ou la production d'énergie, selon la Fédération française du bâtiment (FFB).
Depuis le 1er janvier 2017, les distributeurs de matériaux et d'équipements de construction pour les professionnels doivent s'organiser pour reprendre les déchets issus des produits qu'ils vendent. Mais ce service est facturé aux professionnels et la démarche "reste aujourd'hui coûteuse" pour eux, estime dans un communiqué le ministère de la Transition écologique et solidaire, qui veut "rendre efficace et gratuite la reprise des déchets du bâtiment" d'ici le 1er janvier 2020.
Le ministère a donc chargé les acteurs de la filière (recycleurs, collectivités, distributeurs, entreprises du bâtiment, etc.) de réaliser des études d'impact d'ici l'automne et de lui faire des propositions pour mettre en oeuvre cette gratuité.
En cas d'échec, il n'écarte pas la mise en place d'une filière de Responsabilité élargie du producteur (REP), comme pour les emballages, dans laquelle ce sont les producteurs des matériaux qui financent la gestion de leurs produits lorsqu'ils sont devenus des déchets.
Les professionnels sceptiques, des recycleurs aux artisans
Cette initiative est "quelque chose d'important" pour inciter les acteurs privés à s'organiser entre eux, a réagi Erwan Le Meur, de la Fédération des entreprises du recyclage Federec, qui s'oppose en revanche à l'idée d'une filière REP.
Si les objectifs sont "louables", a aussi noté Jean Passini, président de la commission environnement et construction durable à la FFB, il a regretté "qu'on semble faire fi de toutes les initiatives en train d'être mises en place" dans les régions, alors que l'obligation de reprise n'est en vigueur que depuis un peu plus d'un an.
Pour Muriel Olivier, déléguée générale la Fnade, qui regroupe les entreprises de gestion des déchets, "aller vers la gratuité, c'est déresponsabiliser les producteurs de ces déchets et cela posera la question de qui payera à leur place pour les gérer". Elle reconnaît cependant que cela permettrait de réduire le risque de dépôts sauvages de déchets dans la nature par des professionnels peu scrupuleux qui ne veulent pas payer le coût de leur prise en charge.
La Capeb, qu'on aurait pu croire intéressée par un dispositif gratuit, n'est guère plus enthousiaste. "Nous ne sommes bien sûr pas contre la gratuité", explique le chef du dossier, Jean-Jacques Châtelain, président de l'UNA Peinture-Vitrerie-Revêtements. "Mais nous sommes très méfiants vis-à-vis de la gratuité, car elle pourrait conduire à des hausses substantielles de prix de nos fournitures ! Par ailleurs, il nous paraît très difficile de mettre dans un même dispositif des situations très différentes : artisans des villes et artisans en zone rurale, gravats et pots de peinture...". La Capeb a entamé des travaux avec Federec, la Fnade et la start-up Ecodrop. Des discussions qu'elle aimerait pouvoir mener à leur terme, mais que le calendrier serré imposé par le ministère pourrait fragiliser. D'autant que Jean-Jacques Châtelain, comme beaucoup d'autres acteurs dans ce dossier, s'interroge : les dés ne sont-ils pas déjà jetés, et la consultation de façade ?